Barrage d’accession en N3. La Châtaigneraie - AS Sautron, ce soir (19 h). Sensation de son groupe, le promu sautronnais est guidé par un entraîneur aux idées claires. Le discours de l’ancien défenseur du FC Nantes est fortement imprégné des idées développées à la Jonelière. Sa méthode aussi. Sans jouer au donneur de leçon, Eddy Capron revendique un football porté par les notion de plaisir et de valeurs collectives. Entretien.
Est-ce une saison qui va au-delà de vos espérances ?
Carrément. On n’était pas formatés pour ça. On a vu qu’on avait besoin d’un gros effectif. On termine avec pas mal de blessés avec tout le stress que ça comporte. Je m’attendais à ce que cette équipe se maintienne, qu’elle joue la première partie de tableau mais pas les deux premières places.
En début de saison, vous évoquiez la gestion des frustrations au sein du groupe en raison des changements limités ( 3 joueurs) à ce niveau de compétition. Comment avez-vous procédé ?
Les joueurs ont très bien réagi, même si ma gestion n’a pas toujours été bonne. Il m’est arrivé de faire mes trois changements et de déplorer un blessé dans la foulée. J’ai appris même si j’ai commis la même erreur sur le dernier match (rires). Il restait 15 minutes, je fais rentrer un joueur alors que je n’étais pas dans l’obligation de changer, ça avait l’air de tenir. Mais j’ai mon petit côté foot amateur : il faut que je fasse jouer tout le monde. Je ne vais pas faire déplacer quelqu’un pour qu’il ne joue pas. Au bout de 30 secondes, il s’est blessé. On a fini le match à 10 à Segré (1-1 match qui a permis à Sautron de se qualifier pour le barrage)…
Le groupe a-t-il répondu à vos attentes ?
Complètement. Les nouveaux se sont intégrés naturellement. Je parle du groupe au sens large, des équipes A, B et C. Le mec qui n’est pas dans le truc s’exclut automatiquement. Notre discours est clair : on cherche un certain profil de personne, je ne parle pas de joueur. Il faut aimer être ensemble.
Avez-vous appris durant cette saison ?
Oui et j’espère avoir encore plein de choses à apprendre. Le jour où je n’ai plus rien à apprendre, c’est que je me prends pour un autre ou que je suis mort. Je dis toujours à mes joueurs qu’ils m’apportent quelque chose et que j’essaie de me mettre à leur niveau.
Votre statut de promu a-il influencé votre approche technique, par exemple dans la variété des exercices ?
Techniquement, non, car les mecs ont du ballon. Mais tactiquement et athlétiquement oui. Physiquement, on a dû faire des séances différentes pour répondre aux exigences de la R1. Tactiquement aussi, ce qui m’a permis de tester notre capacité à réagir au cours d’un même match, passer d’une défense à quatre à un système à trois. Ce n’est pas encore acquis mais je suis sensible à ça, à essayer de donner un maximum de billes à l’équipe et qu’on puisse jongler d’un système à un autre.
"Pas de prime de match"
Avez-vous senti une différence de niveau entre la R2 et la R1 ?
Déjà, toutes les équipes sont assez homogènes. Ce qui m’a surpris, c’est de voir des clubs venir ici, faire des centaines de kilomètres et accepter de ne pas jouer. Je n’ai pas la prétention de jouer comme le Barça ou l’Ajax. J’ai connu le monde pro et dans le monde pro où il y a de l’argent, tu vois ça. Mais là, on est en R1 et pour moi, il n’y a pas d’argent. En fait, si, il y en a… C’est nous qui n’en avons pas (rires). Par exemple, la première journée de championnat, Segré est venu ici, n’a pas joué mais nous en a mis quatre… ça a été une bonne leçon, ça ne nous a pas empêchés de perdre le match suivant contre La Roche-sur-Yon alors que même un nul aurait été frustrant… Mais sur ces deux matches, on avait aussi montré des bonnes choses. C’était à moi de trouver le juste milieu entre l’envie de jouer et les exigences de la compétition. Il faut essayer d’anticiper le coup d’après. Je suis sur une phase offensive mais il y aura probablement une phase défensive si on ne finalise pas notre action par un tir, un centre. On est encore irréguliers sur les phases de transition.
La notion de plaisir est-elle indispensable ?
Le plaisir de jouer, bien sûr ! Si l’envie de jouer peut nous apporter des résultats positifs… Mais on a pris aussi du plaisir à Segré en défendant à 10 comme des chiens. À un certain niveau, il faut savoir livrer ce type de match, même si j’étais déçu parce qu’on n’avait pas joué. On avait la possibilité de faire mieux. L’enjeu a dû nous crisper. À la récupération, on a parfois joué dans la profondeur alors que l’on avait la possibilité de prendre la largeur et de faire remonter le bloc. On a un peu joué à l’envers, pas dans le bon tempo. Ce n’était pas l’un des plus beaux matches, mais l’un de scores les plus importants. J’étais déçu par le contenu, pas par le résultat.
Avez-vous néanmoins savouré au coup de sifflet final ?
À peine fini, tu as quelque chose à préparer. Je me fais des nœuds au cerveau, je suis déjà dans l’autre match depuis que l’arbitre a sifflé. Ça va trop vite. On doit être habitués à jouer - je dis bien jouer - des matches à enjeu. Et pour moi, à Segré, on n’a pas joué. J’ai dit aux gars : celle-là, je la laisse passer mais la prochaine fois, je veux qu’on joue. On n’a rien à gagner, rien à perdre. Il n’y a pas de prime de match… soyez vous-même. Je reste persuadé que c’est un avantage de jouer le match retour contre la Châtaigneraie chez nous. Après, s’ils sont plus forts, pas de problème, je saurai le reconnaître. Ce n’est pas facile à intégrer pour des joueurs, promus, qui ont un objectif désormais plus élevé…
"On a grandi trop vite"
Comment parvenez-vous à concerner l’intégralité de votre groupe ?
On s’adapte. C’est pour ça que je dis chaque année que l’objectif passe par les joueurs. Dans un club pro, tu pars avec 24 ou 26 joueurs, tu arriveras avec 24 ou 26 joueurs. Moi, demain, si les mecs veulent arrêter, je pars à 26 mais je peux terminer à 16. Là, l’objectif n’est plus le même. Il faut les faire adhérer au projet sportif, les faire venir à l’entraînement. J’ai un petit qui a fait 100 % de présence. J’ai un effectif de 24 joueurs dans le groupe 1, je n’ai jamais compté moins de 20 joueurs à l’entraînement. Je suis chanceux d’avoir un groupe de cette dimension humaine, qui ne demande rien. Ils ne veulent pas que ça change et ça arrange bien le club (rires).
Qu’impliquerait une montée en termes d’infrastructures ?
On est dans les normes. Sportivement, on a grandi trop vite. Ce n’est pas que pour les seniors mais aussi pour l’école de foot. On a de très bons éducateurs. On peut aller chercher plus mais on a un peu de retenue à tous les niveaux. Le côté associatif et administratif ne suit pas le sportif. Là, on est dans un monde qui ne nous appartient pas. On est en R1, notre équipe réserve monte en R3. On n’a ni les sponsors ni les aides qu’il faudrait. Parfois, on part en déplacement à l’arrache. Sans vouloir dénigrer ce club-là, on n’est pas Vertou…
Cela fait-il de vous un entraîneur frustré ?
Pas du tout ! Je vis le terrain. Je me vois m’épanouir aussi, à travers les gars, les dirigeants. Humainement, depuis deux ou trois ans, il se passe quelque chose à tous les niveaux du club, avec les parents, les jeunes, les éducateurs. On était limite un club de campagne. Aujourd’hui, on attire des Nantais. Quelque part, on a mis Sautron sur la carte du foot départemental. Aujourd’hui, j’ai parfois des gars de Paris qui souhaitent venir à Sautron. Les mecs, je vous explique comment c’est Sautron ! Un petit club, on n’a pas de prime de match. Je veux donner l’image d’un club sympa, qui cherche à jouer au ballon même si on n’y arrive pas toujours.
Serez-vous toujours sur le banc sautronnais la saison prochaine ?
Oui, quoi qu’il arrive. J’avais pris ce groupe en DRH. On avait failli monter. La saison suivante, on est descendus et il était hors de question de partir en descendant. Je partirai quand je sentirai que mon message ne passe plus. Je ne m’accrocherai pas comme un morbac’. Tu sens quand tu es de trop. Là, je ne pense pas. Je ne veux pas faire le super héros, j’ai juste encore envie d’être avec les gars, les A, les B, les C car c’est un groupe super sympa.
Quel regard posez-vous aujourd’hui sur le foot international ?
Si je parle de la Ligue des Champions, on a vécu des matches de haut niveau où le talent n’a pas fait la différence. Quand on pensait avoir fait la différence, il restait encore l’envie, l’espoir et que ça pouvait être l’élément le plus important. Il y avait des noms et du talent au Barça, à la Juve, au Real mais l’envie de jouer ensemble, de ne pas tirer la couverture à soi, de jouer avec insouciance comme l’a démontré cette jeunesse de l’Ajax, ça m’a rappelé mon époque au FC Nantes. On a joué avec insouciance sans vouloir écraser les autres. C’est la politique de l’Ajax.
Suivez-vous toujours les matches du Barça ?
Je suis un supporter du Barça car ils ont cette philosophie. Je suis tous les matches du Barça. Il y a peut-être des choses à changer dans leur manière d’aborder les différentes compétitions. La Ligue des Champions, tu ne la joues pas comma la Liga. Et au retour contre Liverpool, le Barça a joué un match du championnat d’Espagne.



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